Le 1er juillet, Guillaume Pepy a succédé à Louis Schweitzer à la présidence d’Initiative France dans un contexte économique inédit. Comment Initiative France se mobilise avec les collectivités pour aider les victimes de la crise ? Quelles sont les tendances de l’entrepreneuriat sur les territoires ? Comment accompagner la réorientation de l’économie ? Entretien sans filtres avec Guillaume Pepy.
Pourquoi avoir pris la présidence d'Initiative France ?
Louis Schweitzer, qui a présidé Initiative France pendant près de dix ans, m’a sollicité pour prendre sa succession en fin d’année dernière. Je ne connaissais pas le réseau mais j’avais très envie de m’engager pour l’entreprise et les entrepreneurs. J’ai immédiatement accepté.
Pendant le premier semestre, j’ai découvert un réseau très solide de 20 000 bénévoles et 1 000 salariés. J’ai vu ces femmes et ces hommes mobiliser toutes leurs forces pour venir en aide aux entrepreneurs victimes de la crise. C’est là que j’ai pris la mesure de la puissance de ce réseau et de la pertinence de son modèle, fondé sur du financement, mais aussi et surtout un accompagnement dans la durée pour permettre à chacune et chacun de réussir son projet. Ça marche, puisque 92 % des entreprises que nous soutenons est encore en activité après trois ans, contre 70 % en moyenne.
Aujourd’hui, le défi à relever est immense. Il s’agit non seulement de limiter au maximum les effets négatifs de la crise, mais aussi d’accompagner la profonde réorientation en cours de l’économie française.
Le gouvernement a présenté son plan de relance début septembre. Quelle est votre analyse ?
Le plan de relance est à la hauteur des enjeux. Il aussi très ambitieux face à la rapidité des destructions d’emplois salariés et à la chute des offres de postes à pourvoir pour les jeunes diplômés. Le gouvernement fait le pari d’une réorientation durable de notre économie, qui s’appuie sur des secteurs d’avenir – le numérique, l’écologie, la solidarité – et sur la capacité des Français, et notamment des jeunes, à faire preuve d’esprit de conquête face à la crise. Amener 15 000 demandeurs d’emplois en insertion et 2 500 jeunes sans formation à créer leur propre job, ce n’est pas rien et c’est une des actions phares de ce plan de relance.
Le plan de relance va donc soutenir celles et ceux qui subissent la crise à s’en sortir par le haut. C’est un bon signal qui devra être suivi d’effet par des mesures d’applications simples et un véritable effort de décentralisation.
Quel rôle peut jouer Initiative France dans le cadre de ce plan de relance ?
Avec ses 214 associations et ses 800 lieux d’accueil, Initiative France propose une expertise gratuite et professionnelle sur tous les territoires, y compris les plus fragiles. C’est un atout considérable pour agir, avec les pouvoirs publics, en faveur de la redynamisation du tissu des TPE et de l’emploi.
Quatre régions françaises – Île-de-France, Hauts-de-France, Nouvelle-Aquitaine et Région Sud – nous ont déjà confié la gestion de leur fonds d’urgence. Rien qu’en Région Sud, nos associations ont déjà octroyé plus de 3 000 prêts d’urgence à des entrepreneurs qui ont tous été reçus par nos équipes. Quatre autres régions nous ont également associés à ces fonds pour l’instruction des dossiers ou une partie de leur gestion.
Au-delà de l’urgence, notre rôle est aussi d’accompagner la réinvention de l’économie que nous observons partout. Nous voyons se multiplier les projets autour de l’environnement, du recyclage, des circuits courts ou des services médico-sociaux. Nous sommes aussi les témoins de nouvelles solidarités territoriales créatrices d’emplois. Par exemple, en Rhône-Alpes, un restaurant classique que nous avions aidé à se lancer, a pris la mesure pendant le confinement de la solitude des personnes âgées et a développé une activité de salon de thé qui cartonne. Deux emplois ont été créés pour faire face à la hausse de l’activité. Autre exemple, à Lorient, une épicière s’est appuyée sur le réseau des commerçants locaux pour permettre à ses clients de retirer leurs commandes près de chez eux. Nous devons être les animateurs de ces nouvelles dynamiques locales pour développer des réseaux vertueux sur les territoires.
Notre potentiel de croissance est immense. Nous en avons les moyens. Aujourd’hui, les acteurs économiques qui comptent sur les territoires sont parties prenantes de la vie de nos associations. Bpifrance est plus que jamais à nos côtés avec un nouveau partenariat qui nous donne les moyens d’accompagner davantage de porteurs de projets. Et nos liens avec les collectivités se sont resserrés pendant la crise, au service du tissu local des TPE.
La crise accélère l’économie. C’est un choc pour des milliers de Français mais c’est aussi une opportunité de se lancer quand on a une idée d’entreprise. C’est à nous de soutenir ces idées et de lever les freins récurrents que sont la peur de ne pas y arriver et le manque d’argent. Nous sommes plus que jamais attendus et nous serons là !